« arya, viens ici ! » les cris de ma mère résonnaient dans ma chambre. je l'avais entendue d'en bas, et qui sait comme la voix de ma mère était naturellement douce, cette fois j'allais en prendre pour mon grade. j'appréhendais réellement ce qu'elle allait me dire, d'autant plus qu'étrangement je ne me souvenais pas d'avoir fait quoique ce soit de mal. je veux dire, je faisais tellement de conneries, innombrables, que je ne savais même plus pour quelle bêtise j'allais me faire engueuler. « arya, je compte jusqu'à trois. un... deux... » je ne me posais même plus aucune question, je n'en avais pas le temps du moins, parce que si je n'étais pas là quand elle avait finit, ça allait réellement être ma fête. techniquement, ça aurait été impossible d'arriver devant elle en trois secondes, à moins de s'appeler usain bolt, mais je ne me décourageais pas et donnais toute mon énergie dans mon mini-marathon, manquant de me casser la figure à chaussettes sur le carrelage froid et glissant. « je suis là. » je remontais la tête vers ma mère, qui fronçait les sourcils. « tu as coupé dans ma robe. » elle écarquillait ses yeux pour intensifier son engueulade. « non. » « ne me mens pas, arya. » ma mère me montra aussitôt ladite robe roulée en boule comme un torchon dans sa main pour appuyer sa thèse. je ne pouvais plus mentir, j'étais grillée. je baissais légèrement la tête, un peu honteuse. je détestais mentir, mais comme me disait ma grand-mère, parfois ça s'appelait des mensonges "joyeux", ils étaient faits pour mentir mais sans blesser. et dans les cas où je déconnais, je faisais toujours des mensonges joyeux, c'était ça ou je me faisais tuer par ma mère. c'était pas fait exprès, de couper dans sa robe, j'étais depuis toute petite fan de mode, même si ça venait après la danse, d'ailleurs j'avais toujours eu des goûts assez prononcés; mes barbies devaient impérativement s'habiller avec des vêtements de choix ou je ne jouais plus avec elles. « elle est jolie comme ça, non? » je laissais apparaître un léger rictus innocent pour essayer de me faire pardonner. il faut croire que j'avais toujours été une vue assez gâtée mais pas trop, j'ai eu une enfance normale, et je ne l'échangerais pour rien au monde.  

j'avais désormais dix-huit ans, et qui dit dix-huit ans dit aussi majorité. il était temps pour moi de m'envoler de mes propres ailes, même si ça avait été une chose assez difficile pour mes parents tout compte moi, ça ne me faisait autant de bien de quitter le cocon familial, j'allais enfin être dépendante de moi-même et c'était un des points positifs qui m'avaient fait patienter durant toutes ces années. j'avais désormais mon appartement, seule, et ma vie d'adulte pouvait enfin commencer. j'étais assez satisfaite, au moins je n'avais pas du appeler ma mère toutes les deux minutes pour savoir comment fonctionnait telle ou telle chose. je me débrouillais plutôt bien, je devais l'avouer, et puis, peu à peu je pensais aussi à m'amuser. c'était une chose primordiale pour moi, j'avais bien l'intention de profiter de ma jeunesse. je passais tous mes samedis soirs en boîte de nuit, où j'ai rencontré ce gars, prénom. il était beau, il avait les cheveux toujours plein de gel, mais c'était mignon. jeans serrés. bon, je vous avoue qu'à première vue je croyais qu'il était gay, mais il m'a vite prouvé le contraire. sa voix était rauque et c'était ce que j'adorais le plus chez lui, je pense que j'avais tendance à tomber trop vite amoureuse.  « je t'aime. mais vraiment, arya. c'est pas des paroles en l'air. »  il m'avait sorti ça un jour, j'avais l'impression que mon rêve de gamine s'était réalisé. vous savez, le genre de prince charmant. naïve, moi? peut-être oui. beaucoup même. et c'est ce soir-là qu'il a pris ma virginité. je l'aimais vraiment, c'était une amourette comme mes parents me disaient, seulement pour moi c'était bien plus que ça. jusqu'au jour où tout avait changé. cette annonce, bouleversante. "putain de merde, j'suis enceinte." il avait fait une tête jusque par terre, il aurait voulu s'enterrer s'il le pouvait, tout comme moi. je me sentais responsable, alors qu'on avait tous les deux merdé. je savais ce soir là que j'aurais du me protéger, pourquoi je l'ai pas fait? quelle conne. en plus d'avoir arrêté la pillule. je me dégoûtais. j'avais dix-neuf ans, j'étais enceinte, qu'est-ce que je pouvais bien faire? et du jour au lendemain, lui, a disparu, me laissant seule avec moi-même et mon ventre qui ne cessait de grossir.

en parallèle de mes études d'infographiste, j'avais trouvé un boulot de secrétaire chez vogue, ça me faisait plaisir, moi qui adorais la mode et qui pouvais en même temps exécuter mes études d'infographiste sur les ordinateurs, je ne pouvais pas rêver mieux, j'étais comblée à ce niveau-là.  « excusez-moi. je pourrais savoir où se trouve monsieur le directeur? » c'est par là que tout a commencé, encore une fois. j'avais levé la tête et devant moi se tenait un beau basané jeune homme. évidemment, après lui avoir indiqué le chemin, il est revenu, peut-être  pour moi, ou pas, à mon lieu de travail. je le voyais presque tous les jours, à croire qu'il avait un problème avec vogue, mais c'était pas dérangeant, sa beauté écrasante ne me dérangeait pas du moins. jusqu'au jour où ses yeux noisettes avaient rencontré les miens:  « je pourrais vous inviter boire un verre ce soir? » j'avais accepté, forcément. comment refuser à un tel homme? il devait être mannequin. mais je ne me faisais pas d'idées, je n'étais cependant pas prête à me laisser embarquer dans ce genre de manège, j'avais avorté il y a  moins d'un an, et je ne voulais pas retomber dans ce cercle vicieux qui réussissait à m'avoir à chaque fois tellement j'étais une faible. tout s'est déroulé si vite, je ne voulais pas aller plus loin, même si je ne pouvais pas mentir qu'il me plaisait énormément. je ne voulais pas, et mentalement je ne pouvais pas. et puis, j'ai appris qu'il était de retour. le "père" de mon enfant, ou celui que j'ai avorté plutôt. je ne l'avais pas encore revu, mais je redoutais les retrouvailles, honnêtement.