Hôpital de Brooklyn, il y a un an, garde de nuit. Nora mourrait d’envie de s’effondrer sur un lit dans la salle de garde, mais déjà on la bipait à nouveau. « McLean ? Va t’occuper de monsieur le soldat box quatre, cherche des signes de troubles de stress post-traumatiques ou bien d’une quelconque névrose et reviens me voir avec ton diagnostique. » son supérieur était un connard fini qui jugeait les militaires comme des robots sans une once d’intelligence. « Je croyais que les médecins devaient avoir la vingtaine bien passée et une trainée de diplômes avant de voir de vrais humains. » son air légèrement cynique tentait de cacher des maux visibles à la dilatation de sa pupille. « Non… ils nous laissent nous entrainer sur quelques cobayes avant de nous donner de vrais patients. Désolée pour vous, ce n’est pas votre jour de chance. » ca lui avait arraché un sourire. Consultant ses constantes, la rousse ne tarda pas à remarquer la médaille autour de son cou. « Irak ? » « Afghanistan. Le paradis. » étrangement, il n’y avait pas une once de ressentiment dans le ton de sa voix. Alors, comme il semblait apprécier le sujet, elle lui avait posé quelques questions, le laissant parler de cette guerre qu’il avait vécu comme il en aurait parlé à un ami. Elle était douée, pour laisser les autres parler. En une demi heure, son diagnostique était fait : pas le moindre signe de trouble, mais un manque visible de son unité. Comme son père lorsqu’il rentrait de mission, John Baldwin pensait aux autres, ceux qu’il avait laissé derrière lui. Elle avait connu ça toute son enfance. Un sentiment qui ne s’effacerait probablement jamais.

Son boulot était censé s’arrêter là. Son analyse de la situation avait été validée, et le temps avait passé. Pourtant, lorsqu’il s’était planté devant elle un mois plus tard dans les couloirs de l’hôpital… « On devrait aller boire un verre, vous ne pensez pas ? Vous avez l’air de quelqu’un qui a besoin d’un verre. » il avait ce petit sourire, et cette attitude… « Je ne peux pas, pas de relation avec mes patients, désolée. » cette excuse avait marché les deux fois suivantes. Pas la troisième. « Je me suis renseigné, et figurez vous que je ne suis pas un de vos patients. Donc… » elle ne pouvait pas. Autant qu’elle ne pouvait pas lui dire ce qui la poussait à refuser, elle n’arrivait pas non plus à lui faire comprendre une bonne fois pour toute qu’il devait arrêter. « Aller doc… je vous promets, ce ne sera qu’un verre. Si vous en voulez un autre tant mieux, mais je ne vous demande qu'une petite heure... » les infirmières autour d’eux commençaient à sourire, spectatrices de ce spectacle depuis des mois maintenant. Chaque fois qu’il venait pour un examen, il finissait par la trouver. « J’ai déjà quelque chose de prévu ce soir… » il allait lui répondre quelque chose, mais déjà, un brun passait son bras autour du coup de Nora. « Non, c’est faux, elle est libre comme l’air. Elle s’est même achetée une paire de chaussures l’autre jour qu’elle rêve d’étrenner. » merde Cole, merde. Nora ne savait plus où se mettre, et John, bien que confus, finit par afficher un sourire satisfait. « Je passe vous prendre à la fin de votre service alors ! » elle n’avait pas eu le choix. Elle avait prié pour qu’il en soit pas là, avec son sourire, son regard intense et ce charisme démesuré. Pourtant, il l’attendait de pied ferme. Et il avait été agréable, vraiment. Si bien qu’elle avait commencé à lui parler d’elle. De son histoire. Et de son amour perdu. Et il l’a écouté, pour une fois. Un verre, il lui avait promis un seul verre et n’avait donc pas insisté, alors qu’elle lui disait devoir filer. Et depuis… pas de nouvelles. Il comprend mieux cette distance qu’elle met entre les hommes et elle, oui, il comprend. Elle a perdu l’homme qu’elle aimait. Mais c’était il y a huit ans ! Comprenez que John est de ces hommes qui croient qu’on vit plusieurs amours, dans une vie. Et Nora semblait bloquer sur cette histoire adolescente. Il veut lui ouvrir les yeux, il veut qu’elle se redonne une chance, qu’elle soit heureuse. Mais pour ça, il faudrait déjà qu’elle le laisse entrer. Et visiblement, ce n’est pas encore gagné.